Dysphorie de genre : le père s’en passer ? s’en servir ?

Gérard Seyeux

D’aucuns auront peut être vu passer cet article du monde du 11 septembre 2013 intitulé : Un enfant sans mère est né à Berlin.
  Pour ceux qui n’en ont pas eu connaissance voici ce dont il s’agit : le lundi 9 septembre le Bild affichait en une : « Un berlinois a mis un enfant au monde ».
  Une personne, née femme, ayant donc tous les caractères sexuels primaires et secondaires de ce sexe, après traitement médical, s’est fait reconnaître homme par l’état civil. Cela est possible en Allemagne où il n’est plus nécessaire comme en France d’avoir subi une intervention chirurgicale. Cette personne a donné naissance à un enfant conçu avec don de sperme.
L’affaire est complexe car cet homme (nouveau) ne veut pas être reconnu comme la mère de l’enfant mais comme son père.
L’avis du 7 juin 2012 de la cours de cassation concernant cette question pourrait-il permettre cette même reconnaissance en France ? La cour a en effet cassé le jugement du tribunal de grande instance de Paris qui, bien qu’acceptant la rectification de prénom d’Axel en Axelle, refusait d’inscrire à l’état civil le changement de sexe de masculin au féminin au motif que la personne refusait de se soumettre à une expertise médicale attestant de la chirurgie pratiquée en Thaïlande. La cour de cassation considère que la cour d’appel « a violé l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». Plus loin dans le jugement, il est stipulé que : « Alors que le droit au respect de la vie privée et familiale commande que le changement de sexe d’une personne soit autorisé à chaque fois que son APPARENCE PHYSIQUE la rapproche de l’autre sexe auquel correspond son comportement social. »
Le conseil d’orientation de l’agence de la biomédecine s’est trouvé saisi de l’examen d’une nouvelle question : pourra-t-on ? devra-t-on ? accéder à la demande de conservation de gamètes de la part d’une personne qui souhaite changer de sexe afin que, le moment venu, une fois « la réassignation de genre » obtenue, et si elle le souhaite, elle puisse procréer avec ses propres gamètes ? Ceci dans le cas d’une procréation médicale assistée s’il s’agit d’un homme devenu femme dont on a conservé dans une banque les spermatozoïdes ; ou par GPA s’il s’agit d’une femme devenue homme et dont on aurait conservé les ovocytes.
Cela ouvre à beaucoup d’interrogations et notamment celle-ci : qu’en est il de ce désir d’utiliser les gamètes d’un sexe qu’on a toujours perçu comme étranger, erreur de la nature ?
« Un grand désordre dans le réel ». Si cela avait besoin d’être confirmé, nous ne sommes plus au temps où, comme le souligne Jacques-Alain Miller dans son allocution de présentation du prochain congrès de l’AMP, le réel s’appelait la nature, nature qui était le nom du réel quand, précisément, il n’y avait pas de désordre dans le réel.
Affaires à suivre.