Anne-Marie Le Mercier
Organisé conjointement par l’Association Cause freudienne Val de
Loire–Bretagne et les sections et antennes cliniques de l’Ouest, ce forum est
un évènement. Des psychanalystes recevront des juristes, un physicien, des
sportifs, des médecins, et des cliniciens, pour dialoguer avec eux sur la façon
dont chacun traite les questions politiques, éthiques et scientifiques
soulevées par les pratiques contemporaines du corps.
Les avancées de la science, de la médecine, de la technologie permettent
de franchir nombre de limites jusque là imposées au corps par la maladie ou le
handicap, mais aussi de modifier le corps sexué, et d’amplifier les
performances sportives, sexuelles, voire intellectuelles… Au-delà du soin,
elles suscitent des désirs et des revendications face auxquelles le juriste, le
médecin, le psychanalyste et le clinicien ne peuvent rester indifférents.
Notre forum sera vif, ouvert. Il conjuguera diverses approches
théoriques, cliniques, éthiques, et nous espérons qu’il permettra à chacun de
trouver un éclairage précis sur des questions que nul ne peut tenir pour
résolues.
Maître Charrière-Bournazel, président du
Conseil National du Barreau jusqu’en juillet dernier, ancien Bâtonnier du
Barreau de Paris, nous parlera du lien entre le droit et la vie. Maître De
Gouberville, avocate rennaise, évoquera la pratique du juriste face aux
nouvelles stratégies concernant le désir d’enfant. Le professeur Etienne Klein,
physicien, enseignant à l’Ecole Centrale, docteur en philosophie des sciences
et directeur du laboratoire de recherche sur les sciences de la matière au CEA
de Saclay, nous éclairera de son expérience sportive de l’ultratrail, tout en
s’interrogeant sur les espoirs et les craintes que peuvent susciter les
nanotechnologies dans la quête de la performance. Des sportifs de haut niveau
comme Stéphane Houdet champion handisport de tennis, témoigneront de leur
rapport aux limites du corps et à la vie, dans leur pratique sportive… Le
Docteur Odile Buisson, gynécologue, connue pour ses travaux et ses publications
sur la sexualité féminine et le point G, traitera du droit au plaisir…
Des psychanalystes et des cliniciens apporteront également leur
témoignage et leurs questions concernant le thème de notre forum :
Pierre-Gilles Guéguen, le Docteur Bernard Porcheret, le Professeur Jean-Claude
Maleval, le Docteur Armelle Guivarch, le Docteur David Briard…
Psychanalystes ou non, si cette question du corps dans la société
contemporaine vous intéresse, n’attendez plus pour vous inscrire !
LE FORUM EST OUVERT A TOUS !
***
Disposer de son corps
Guilaine Guilaumé
L’exposition « Au bazar du genre : féminin/masculin en
Méditerranée » créa l’événement en juin dernier lors de l’inauguration du
MuCem (Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée) à
Marseille. Elle rend compte des divers modes de vie selon le genre masculin ou
féminin qui indexe l’individu, des coutumes qui y sont liées ainsi que des
troubles engendrés par cette partition au fil des temps révélant que, depuis
longtemps, l’anatomie n’est pas le destin et que, depuis Simone de Beauvoir,
« on ne naît pas femme, on le devient ».
En juin également, le film Bambi est sorti en salle, documentaire réalisé par Sébastien
Lifshitz qui dresse un magnifique portrait de l’une des premières
transsexuelles françaises, née Jean-Pierre Pruvot en 1935 à Alger. « J’avais la haine de mon prénom, je ne voulais
pas être ce prénom ». Lorsqu’elle découvre, à 17 ans, la revue d’un cabaret de travestis en
tournée, sa vie bascule. Elle se fait opérer en 1958 et devient Bambi, figure
mythique des cabarets parisiens des années 50-60. Elle déclare avoir voulu être
elle-même, se libérer de cette identité sociale qu’elle ne percevait pas comme
étant la sienne, elle dit avoir voulu s’arracher à un destin tout tracé.
Permettre à chacun de disposer de son corps comme il
l’entend est un signe de notre temps produit par les progrès
technico-scientifiques alliés à l’explosion libérale. Le désir prométhéen de
l’homme lui fait espérer le « meilleur des mondes » : celui où
la bio-technologie permettra de fabriquer des créatures selon le bon plaisir de
chacun. Que ce soit sur le plan des performances physiques et sportives, de la
fécondation, de la procréation, la science se fait l’alliée des jouissances des
sujets. Le droit est convoqué dans certaines occasions, comme dans celle de la GPA (gestation pour autrui).
En France, plus de 1000 enfants de couples, essentiellement hétérosexuels et
infertiles, seraient nés d’une mère porteuse, rémunérée, dans certains états
des USA, au Canada ou en Inde. Les plus âgés ont une vingtaine d’années et la
récente circulaire Taubira vise à faciliter l’obtention d’un certificat de
nationalité française (et non pas une inscription à l’état-civil français) pour
les 44 cas recensés par la justice entre 2008 et 2011, issus d’une GPA à l’étranger.
Toutes ces inventions humaines pour donner droit aux désirs
et à la jouissance se heurtent aux idéologies les plus diverses. Bien après
l’invention de la psychanalyse, les sciences sociales et les religions ont
encore beaucoup de difficultés à lâcher leur arrimage à un naturalisme, grand
ordonnateur des liens entre les sexes.
La psychanalyse, loin de tout moralisme et de toute
nostalgie, promeut une éthique qui contre toute tentative de communautarisme et
de ségrégation. Pour la psychanalyse, pas de norme qui vaille, ni aucun ordre
social, naturel ou religieux. Seul l’ordre du symptôme, singulier à chacun,
saturé de jouissance, constitue la boussole permettant de lire l’époque
contemporaine. « À l’endroit des actions humaines, il s’agit de ne pas se
moquer, ne pas prendre en pitié, ni en haine, mais de comprendre ». (Spinoza,
Traité sur la politique).
Pour la psychanalyse, au fond, le grand bazar, c’est le sexuel, bazar dans
lequel chaque sujet se débrouille à sa façon, car il n’existe aucune essence de
l’être, a fortiori de l’être masculin
ou féminin. Le sexe qui marque les corps, indéniablement, ne dicte rien aux
sujets et « le sinthome est bien le destin que chacun peut donner de mieux
à sa Jouissance ». (Quarto, n°
104, p. 2 ).
L’Association de la
Cause freudienne, les Sections et antennes cliniques, de la
région Val de Loire-Bretagne ne sont pas à la traîne sur ces questions
puisqu’elles organisent, conjointement, le samedi 5 octobre 2013 à Rennes, une
journée prometteuse sur toutes ces questions de société.
Alors, si vous ne connaissez pas Campus Psy, si vous ne connaissez pas le blog préparatoire à la
journée, si vous n’êtes pas inscrit, réagissez ! Ouvrez très vite votre
ordinateur, tapez : campuspsy-vlb et découvrez l’argument, le programme,
les contributions et les modalités d’inscription au forum. Ne ratez pas cette
occasion d’entendre des sportifs de haut niveau, des professionnels du droit et
de la santé parler de notre monde contemporain à partir de leurs expériences
subjectives. Ne ratez pas non plus l’occasion d’entendre des psychanalystes
donner de la voix sur la politique de la cité.
Inscrivez-vous, nous vous attendons nombreux ce jour-là car
ce forum sur les manifestations diverses et variées de la subjectivité ne peut
pas se tenir sans vous, sans la libido nécessaire à toute entreprise humaine,
la marque du vivant en chacun de nous.
C’est ce qu’a formulé avec vigueur Olivier Py, futur
directeur du Festival d’Avignon, dans cette admonestation qu’il adresse au
monde lors d’un entretien à propos de son dernier spectacle, qu’il joue en
travesti, « Miss Knife chante Olivier Py », donné cet été dans le off
: « Les corps sont exposés, manipulés, utilisés, mais on manque de
corps. Il n’y a pas assez de libido, pas assez de circulation entre l’intérieur
et l’extérieur. Cette circulation est la vie même ».
Alors,
gageons que le 5 octobre, nous serons tous présents, en chair et en os, vibrant
de ce lien qui nous unit à la psychanalyse et à la vie.